∧ Haut de pageIntroduction
La basilique des Champs-Saint-Martin à Rezé (Nantes), édifiée au début du vie siècle, est l’une des plus anciennes églises de la région des Pays de la Loire. Occupant une surface au sol de 750 m2 environ, elle constitue une référence exceptionnelle en matière d’archéologie chrétienne, du fait de la conservation quasi intégrale des installations liturgiques. La basilique présente un plan dit « en tau » : la nef, longue de 14 mètres, s’ouvre à l’est sur un chœur large de 7 mètres, et flanqué au nord et au sud de deux annexes quadrangulaires ; au centre du chœur sont conservées les fondations de l’autel (fig. 1). Quatre états successifs ont pu être identifiés.
Environ 130 fragments de vitraux ont été découverts dans les niveaux d’abandon de la partie orientale de l’édifice, surtout dans le chœur, le long du parement interne du chevet.
∧ Haut de page1. Le mode de fabrication
Les verres ont été découpés dans des plaques obtenues par soufflage en manchon, comme le prouvent le bord rectiligne et à profil arrondi de certaines pièces, l’épaisseur très régulière des fragments (2 mm) et l’agencement des bulles d’air (allongées et alignées).
∧ Haut de page2. La forme
La moitié des pièces ont été retaillées à la pince à gruger sur au moins un des bords.
La forme la plus fréquente est le triangle (fig. 2), mais quelques quadrilatères aux petits côtés concaves ont également été récoltés (fig. 3). Les dimensions sont réduites : en effet, le plus grand triangle ne dépasse pas 7 centimètres de long, tandis que les quadrilatères mesurent 3 sur 1,5 centimètre.
Outre ces formes géométriques, il existe également un certain nombre de pièces irrégulières : soit en forme de V (fig. 4 et 5), soit étroites et allongées (fig. 6 et 7), ou encore plus ou moins rectangulaires (fig. 8).
Il est possible que ces pièces aient fait partie d’un décor figuré (les pièces verticales, pourvues de petites pointes, évoquent des éléments végétaux ou des lettres), mais toute interprétation est à considérer avec la plus grande prudence.
∧ Haut de page3. La couleur des verres
Un tiers des fragments présente une teinte verte, dont les nuances s’étendent du vert clair presque incolore au vert bouteille très prononcé (fig. 9 et 10). La prédominance de cette couleur n’est pas étonnante, puisqu’elle résulte de la proportion d’oxydes de fer dans la matière première.
Les autres tons bien représentés sont le jaune ambre tirant sur le brun (fig. 4 et 11) et diverses nuances de bleu (du plus clair au turquoise vif) (fig. 12 et 13). Enfin, deux fragments présentent un coloris violet clair assez rare (fig. 14). Il n’est en outre pas impossible que ceux-ci portent des traces de peinture ; des analyses devraient confirmer ou infirmer cette hypothèse. Nous devons également signaler la présence d’un unique fragment d’un bleu cobalt très prononcé, qui a probablement été retaillé dans un récipient romain.
Fig. 9 : Aperçu des teintes que peuvent présenter les vitraux (diverses nuances de vert et de bleu), (© L. Pirault / INRAP, 2005).
∧ Haut de page4. L’état de conservation des verres
Les verres découverts à Rezé présentent trois types d’altérations :
- une irisation causée par l’humidité du sol : l’eau lessive les alcalins (soude) contenus dans le verre et ne laisse en surface qu’une pellicule siliceuse d’aspect nacré.
- si le verre et/ou le sol contiennent une quantité élevée de fer ou de manganèse, cette pellicule irisée devient une croûte opaque de couleur brune.
- une altération laiteuse, provenant de l’altération de certains oxydes métalliques utilisés comme colorants. Elle peut pénétrer assez profondément dans le verre, alors que les deux premières formes d’altération n’affectent que la surface.
∧ Haut de pageConclusion
Les vitraux de la basilique paléochrétienne de Rezé constituent un ensemble assez exceptionnel en France tant par leur quantité que par leur ancienneté.
Le chœur de l’édifice – son point focal, vers lequel se tournent les regards des fidèles – était orné d’un assemblage de verres géométriques colorés, composant peut-être un décor figuré. La teinte dominante est le vert dans toutes ses nuances, éclaboussé çà et là de touches jaunes, bleues et violettes. Nous ne possédons par contre aucune information concernant le mode de fixation des vitraux, puisque ni ailettes de plomb ni morceaux de claustra en pierre ou en stuc n’ont été retrouvés.
L’éclairage de l’édifice était également assuré par des lampes en verre de forme conique dont l’étude est actuellement en cours.
∧ Haut de pageBibliographie
Dumont G. et Pirault L., 2005,
« La basilique des Champs Saint-Martin à Rezé et ses vitraux (vie siècle) », De transparentes spéculations. Vitres de l’Antiquité et du Haut Moyen Age (Occident-Orient). Exposition temporaire en liaison avec les 20èmes rencontres de l’AFAV sur le thème du verre plat, catalogue sous la direction de D. Foy, éd., Bavay, p. 74-75.
Pirault L., 2005,
« La basilique paléochrétienne de Rezé », Archéologia, n° 422, p. 30-37.