Fig. 1 : La fenêtre la plus élémentaire du Moyen Âge. Jean Bourdichon (vers 1457-1521), Les quatre Etats de la société, l’Homme misérable ou l’Etat de pauvreté, enluminure sur parchemin, Paris, Ecole nationale des Beaux-Arts, Mas 91 © RMN / Agence Bulloz.
Élément ordinaire du cadre de vie, la fenêtre des demeures du Moyen Âge peut-elle constituer un sujet d’étude ? Se présente-t-elle très différemment des fenêtres que nous connaissons et, pour ce qui nous intéresse ici, quelle place réserve-t-elle au vitrage ? Autant les fenêtres du début du xxie siècle n’ont plus rien à voir avec celles du xixe siècle, autant il est difficile d’imaginer une fenêtre du Moyen Âge. La fenêtre n’y est jamais décrite en tant que telle. Pour tenter de la reconstituer, les recherches doivent se faire à partir de sources variées, iconographiques (souvent très imprécises), littéraires (plus poétiques qu’objectives) ou comptables (d’une exploitation difficile car fragmentaires).
Percées dans un mur – généralement en pans de bois – et fermées, non de vitres mais de volets de bois si l’on en croit l’iconographie, les ouvertures des habitations ordinaires du Moyen Âge ne méritent pas ici d’attention particulière (fig. 1). À l’inverse, les fenêtres des rois et des princes constituent des marqueurs très utiles. Car, au détour de leurs livres de comptes, les grands personnages du royaume, engagés dans des travaux de construction ou d’aménagement, nous renseignent sur le degré maximal de sophistication d’une fenêtre aux xive et xve siècles.
Entre le Moyen Âge et aujourd’hui, le rapport au vitrage n’est pas le même. Au xve siècle, les artistes n’hésitent pas à reproduire en fond de leurs paysages urbains des bâtiments religieux ou publics dépourvus de verrières, c’est un signe que l’usage du verre à vitre est loin d’être alors généralisé. Mais la faible pénétration du vitrage au Moyen Âge ne se révèle que par défaut, et il est plus difficile de prouver l’absence d’un usage qu’une présence avérée. Aussi commencerons-nous par nous interroger sur la notion ancienne de fenêtre et sur les substituts possibles du vitrage. Il nous reviendra de cerner les premières apparitions de la fenêtre vitrée dans les demeures, ses dimensions – ou plutôt ses proportions –, ses coûts, ses caractéristiques, et les hommes qui ont contribué à sa mise en œuvre. L’image de la fenêtre civile dans sa réalité médiévale n’apparaîtra qu’à travers ces différents filtres.