La découverte de verre architectural en contexte du haut Moyen Âge dans le cadre de la fouille de grands habitats ruraux (Serris, Louvres) montre bien l’existence de fenêtres vitrées au sein de certains bâtiments aristocratiques et l’utilisation de vitraux dans les édifices cultuels dès la période mérovingienne. Elle permet de s’interroger sur la diffusion de ce type de fenêtres en contexte rural, aristocratique ou même paysan à l’époque carolingienne.
Le site de Serris « les Ruelles » (Seine-et-Marne) a fait l’objet d’une succession de fouilles préventives de 1989 à 1997 conduisant à l’exploration complète du village du haut Moyen Âge (viie-xie s.) La présence de verre à vitre a pu y être observé tant au contact des secteurs privilégiés qu’autour des édifices cultuels.
Fig. 8 : Serris « les Ruelles », ferme domaniale, viie-viiie siècles, répartition du verre plat du haut Moyen Âge (© F. Gentili / INRAP).
Fig. 11 : Serris « les Ruelles », ferme domaniale, viie-viiie siècles, fragments de verre bleuté à bleu-vert (© F. Gentili / INRAP).
Tous les fragments de verre plat provenant de Serris ont en commun de nombreuses traces de grugeage (découpe à la pince/grugeoir) et présentent une surface fortement bullée. Le lot le plus important est constitué d’un verre translucide bleuté à bleu-vert parfois assez épais et souvent veiné de brun. La bordure de la plaque, quelquefois conservée, indique que la technique du manchon, verre soufflé en cylindre puis coupé et étalé à plat, a été utilisée.
Ces fragments ont été retrouvés dans l’habitat aristocratique qui occupe le quart sud-ouest du village autour des deux bâtiments de la nécropole (Serris, Bât. 65 et 66) en limite septentrionale du village. Le verre retrouvé écrasé semble indiquer que ces plaques étaient taillées en carreaux d’un module minimum de 10 cm de côté (tout du moins dans le seul cas où la mesure est possible). Le contexte permet de dater ces verres de la fin de la période mérovingienne (viie-viiie s).
Deux fragments très minces de verre translucide brun-jaune sont de qualité remarquable, ils proviennent du remblai de deux sépultures distinctes, toutes deux situées le long du mur est du bâtiment 66.
À côté de ces fragments, la présence de verre bleuté ou bleu-vert autour du même bâtiment indique, soit une volonté de polychromie sur les ouvertures, soit deux vitrages de périodes différentes. Sur l’un des fragments, la présence d’une découpe arrondie semble suggérer la mise en œuvre d’un véritable travail de vitrail.
Fig. 15 : Serris « les Ruelles », nécropole, emplacement du ruban de plomb (inv. 396) trouvé replié sur lui-même (© F. Gentili / INRAP).
La technique de montage utilisée n’est pas certaine, mais un ruban de plomb découvert à proximité des fragments peut accréditer un montage au plomb.
Fig. 16 : Serris « les Ruelles », habitat paysan, xe-xie siècles, fragment de verre altéré (© F. Gentili / INRAP).
Le troisième type correspond à un verre de couleur vert pâle très mince (0,5 mm). Contrairement aux deux autres types de vitres, il est altéré en surface et semble se rapprocher des verres potassiques carolingiens. Quatre fragments découverts appartiennent à deux plaques différentes. Le premier carreau, grugé sur trois côtés est de petite taille (4 cm de côté). L’autre présente uniquement un angle qui ne permet pas de connaître la dimension du carreau.
La présence de verre à vitre à la fin de la période carolingienne dans l’habitat est confirmée sur deux points en partie nord du site à une période où l’habitat aristocratique est abandonné. Elle révèle probablement l’existence d’un habitat d’un certain niveau social, et une diffusion du verre plat y compris sur des bâtiments en bois et torchis.
La fouille du site d’Orville à Louvres présente également un exemple à proximité d’un grand bâtiment sur poteaux qui pourrait lui aussi correspondre à un habitat aristocratique des xe-xie s. La fragilité de ce matériau, notamment dans le cas du verre potassique carolingien, et d’autre part une confusion possible avec le verre plat antique conduisent probablement à sous estimer ce type d’équipement en contexte rural, qu’il s’agisse d’édifices religieux, aristocratiques, ou même de certains contextes paysans « aisés ».