Parmi le millier de fragments de verre plat découvert lors des fouilles de la Cour Napoléon du Louvre, les objets que nous présentons proviennent des couches de la fin du xviie siècle (isolation 7957) et du xviiie siècle (isolation 7782). L’abondance et la concentration de ces fragments semblent attester de l’existence d’un atelier de découpe de verre plat en disque, en activité de la fin du xviie siècle au milieu du xviiie siècle. Des dizaines de boudines, portant la marque du pontil et un net épaississement du verre, indiquent des chutes du travail de découpe. Les bords des fragments sont parfois coupés au diamant, avec cassure continue et nette ou grugée. La majeure partie des fragments sont minces, environ 2 mm d’épaisseur. Souvent on trouve des bords arrondis et épaissis symétriquement des deux côtés du fragment plat, marque d’un poli à la chaleur, ce qui pourrait être un bon indicateur d’un façonnage en disque. On pourrait donc imaginer qu’un atelier de découpe de plateaux ait été installé au Louvre au xviie siècle, et se soit maintenu jusqu’au xviiie siècle conjointement avec des verres d’autres provenances.
Table 1 : Compositions des vitres des fouilles de la Cour Napoléon du Louvre © B. Velde, J. Dupin, 2005.
À partir des analyses effectuées par microsonde électronique (voir table 1), nous pouvons constater une évolution entre les objets appartenant aux couches stratigraphiques de l'un et l'autre des dépôts. Elle réside essentiellement dans l’emploi de la soude comme fondant. Tous les verres sont de type calco-potassique, ce qui signifie qu'ils ont été fabriqués à partir de cendres de bois. Les échantillons du xviie siècle ont une teneur relativement faible en soude, moins de 4% Na2O. Ceux du xviiie siècle en comprennent entre 4 et 8%. L’utilisation de la soude en plus grande quantité entraîne une baisse réciproque de la teneur en chaux, en dessous de 20% CaO pour le plus grand nombre d’échantillons observés. La figure 2 montre l’importance de cette diminution entre les vitres du xviie et celles du xviiie siècle. Les valeurs de potasse sont équivalentes pour les deux périodes ce qui correspond à l’emploi d'une même source de fondants, probablement des cendres du bois. On peut donc poser la question de l’emploi indépendant de source de chaux, par exemple celle des roches calcaires rendues à leurs composants de base, le CaO. Il est évident que les recettes de la composition employée pour la fabrication des verres sont nettement différentes entre les deux siècles.
Malgré les valeurs plus élevées de la soude dans les verres du xviiie siècle, nous ne pouvons pas considérer ces compositions sodiques comme équivalentes à celles des verres à boire du type « façon de Venise » à la même époque. Ces verres contiennent plus de 10% Na2O dans leurs compositions (voir de Raedt, et al, 2000).
Ces analyses nous montrent que, dans l'atelier de découpe de verre à vitre étudié, le façonnage en plateau est en usage du xviie au xviiie siècle. Or, nous avons une nette différence entre les compositions des verres du xviie siècle et de ceux du xviiie siècle. Il y a une continuité dans les compositions dans la mesure où les verres restent calciques mais on constate que le taux de la soude augmente au xviiie siècle.
Nous avons également trouvé une série de compositions de verre plat, issus des mêmes ateliers de découpe parisiens, qui sont de composition calcique, plutôt typique de l’est de la France avec une teneur d’environ 20% de chaux mais à faible teneur de soude, moins de 1%. (voir Barrera et Velde, 1989). Il faut remarquer que l’emploi des compositions typiquement françaises des siècles précédents, à faible taux de chaux (moins de 18%), est en voie de disparition dans les objets de la même période en verre trouvés dans les fouilles du Louvre. Quoiqu'il en soit, nous avons des verres plats de type « normand » fabriqués en plateau mais dont la composition chimique appartient plutôt à celle de l'« est de la France ». Nos échantillons ne représentent qu’une infime proportion de l'usage du verre plat à Paris, mais il est intéressant de noter ces anomalies.
∧ Haut de pageBibliographie
Barrera J., Velde, B., 1989,
« A study of French medieval glass composition », Archéologie Médiévale, 19, p. 81-30.
De Raedt I., Janssens K., Veeckman J., Adams F., 2000,
« Composition of façon-de-Venise and Venetian glass from Antwerp and the Southern Netherlands », Annales du 14e Congrès de l'Association internationale pour l'histoire du verre, Lochem, AIHV, p. 346-350.